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Dieu nous sépare (1/2) – S’aimer quand la foi nous divise
Ile-de-France
Ils s'aiment, mais ne partagent pas les mêmes croyances religieuses. Deux jeunes couples racontent comment ils composent au quotidien avec ces différences dont ils font une richesse.

Entre eux, il y a Dieu. Lorsque, se tenant à côté d’elle dans leur appartement commun, Paul livre le récit de sa conversion à l’Islam, Claire, sa compagne, est émue. Pourtant, elle ne partage pas la foi de l’homme qu’elle aime depuis cinq ans. La jeune femme se dit « non religieuse ». « J’en parle et elle se positionne comme quelqu’un qui est curieux, et moi j’explique comment ça se passe, pas de prosélytisme », précise Paul.

Les couples « mixtes », composés d’un athée et d’un croyant, semblent faire exception, mais ils sont difficiles à quantifier avec précision en France. Les statistiques ethniques sont en effet interdites sauf dans certains cas après validation de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (Cnil). Aucune étude réalisée par un institut français n’a été rendue disponible récemment. 

En France, huit personnes se déclarant catholiques ou musulmanes sur dix – les deux principales religions en France – affirmaient en 2013 que leur partenaire était de la même religion, selon des travaux de recherches sur l’homogamie religieuse menés par Marion Maudet, enseignante-chercheuse à l’Université de Lyon 2. 

« Pour les personnes qui vivent une foi, une spiritualité, c’est très souvent quelque chose de fort. Et ça peut être compliqué quand l’autre ne ressent pas cette connexion », précise Lucile Bourdin, psychologue clinicienne à Rennes, qui intervient notamment auprès de couples mixtes. « Ce n’est pas ‘je t’aime malgré ça’ mais ‘je t’aime avec ça’ », résume de son côté le prêtre rennais Nicolas Guillou. 

Deux couples, mille questions 

Paul s’est tourné vers l’Islam en 2013, cinq ans avant de rencontrer Claire. (Photo : Paul et Claire)

Mais alors concrètement, comment partager son quotidien ? Comme Claire et Paul, Océane et Yann ont accepté de nous ouvrir les portes de leur appartement et de leur intimité pour mieux comprendre les enjeux de cette cohabitation spirituelle. Elle est catholique, lui, athée convaincu.   

Entre eux, le sujet n’a jamais ou très rarement été abordé. Lorsque cette agent immobilier âgée de 22 ans décide de répondre à notre appel à témoignages lancé au mois de février 2023, son compagnon depuis deux ans et demi ne sait même pas qu’elle s’est tournée vers Dieu depuis quelques semaines. Pour eux, « le couple est déjà une échelle trop grande » pour partager ces questionnements intimes et cette spiritualité. 

Océane s’est en effet récemment rendue compte que le fait de réciter des prières l’apaisait, ne lui faisait « penser à rien », mais Yann n’en savait rien. Lui, insiste d’ailleurs sur le fait qu’il trouve ça « ridicule ». « Je ne vais pas lui mentir, pas lui cacher, mais pour moi ça ne sera pas un sujet », explique la jeune femme devant son compagnon. 

« On va se marier alors ? », s’amuse-t-elle, une tasse de café entre les mains. Yann, bien qu’athée, considère que l’Église fait partie de « l’institution du mariage », mais pour lui « ça n’aura aucune valeur ». 

Au contraire, pour Paul et Claire, c’est un sujet de conversation récurrent. Lui  – aujourd’hui âgé de 29 ans – a passé une partie de son adolescence à Dinan, en Bretagne, avec ses parents libraires, tous deux catholiques, et ses frères et sœurs. Le 3 mars 2013, il y a tout juste dix ans, le jeune adulte – qui s’est toujours considéré comme croyant – a choisi de se tourner vers l’Islam. 

Cinq ans plus tard, il rencontre Claire. Très rapidement, la religion s’invite dans leurs discussions. La jeune femme pose « beaucoup de questions », elle cherche immédiatement à connaître le rapport de Paul à sa foi, le poids de ses pratiques… et surtout sa vision de la femme. 

Concernant le mariage, le musulman aimerait officialiser leur union devant un imam. Mais Claire devrait notamment « porter un voile », nous explique-t-il. Claire se redresse alors sur son canapé couleur sable et lui rétorque qu’elle n’est « pas sûre d’être d’accord avec l’idée d’une démarche hypocrite ». Mais elle ne l’exclut pas complètement, dans la mesure où elle sait combien « c’est important » pour lui. Pour l’heure la question n’est donc pas complètement tranchée.

Pour ces deux couples, se pose donc encore une multitude de questions. Ils vont devoir composer avec une idée différente, notamment, de l’éducation des enfants. Retrouvez leurs témoignages dans l’épisode 1 de Dieu nous sépare